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NOVEMBRE 1914


— Les corps territoriaux présentent un curieux état de bouleversement social. Beaucoup de gens riches ont négligé de prendre des grades dans l’armée, par ennui des stages fréquents. Des humbles, qui étaient sergents dans l’active, sont devenus lieutenants de réserve. Aussi, dans la tranchée, le contremaître est souvent le chef de son patron. D’où la discipline à l’envers. Un simple soldat dit à son capitaine : « Je t’emmerde. » Le capitaine n’ose pas sévir. Ce serait le conseil de guerre.

— Des dames ne peuvent pas voir un homme, à moins qu’il ne soit déliquescent de vieillesse, sans s’écrier : « Pourquoi n’est-il pas au front, celui-là ? »

— Les Bordelais chez qui je loge sont sans nouvelles, depuis le début de la guerre, de leur fils sergent. Il y a quelque chose d’oppressant dans leurs demandes de conseils et d’appui. On peut si peu ! Et alors, chaque matin, c’est de ma part une fuite tragi-comique, pour les éviter, le long du corridor, les étapes dangereuses franchies successivement : la bicyclette du garçon accrochée au mur, la grosse armoire, la porte de leur chambre, la panoplie, l’échappée sur la cuisine où se tiennent mes hôtes.

— Comment nier le mouvement de haine et de revanche de ces dernières années ? Le théâtre, le