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— Quelle stupeur, plus tard, de regarder les photos de femmes pendant la guerre, ces silhouettes de petites guenons malades ! Quand on s’indigne, on s’entend répondre : « Les hommes aiment cela. » Pourtant, j’ai vu des permissionnaires rigoler à la vue de ces poupettes. À leur place, il me semble que je leur flanquerais la fessée.

— Un permissionnaire, hébergé à Serbonnes, dit que, si on prolonge un troisième hiver, il y aura « des accidents ». Il entend par là des défections.

— Des notables de Thann ont eu deux fils tués. Mais la reprise de l’Alsace les domine tant qu’ils oublient leur deuil et ceux de la planète. Ils disent : « Le kaiser nous a rendu un grand service en provoquant la guerre ; car la France n’aurait pas fait la guerre de revanche. »

— La mort de Kitchner, sur un navire coulé dans des conditions qu’on tait, est accueillie d’un ton placide, comme s’il avait succombé à une longue maladie. On dit même : « le ministère anglais en est consolidé ; Kitchner était hypnotisé par l’Égypte ; il avait fait les Dardanelles ; il était hostile à Salonique ; si Lloyd George le remplace, tout sera pour le mieux. » Bref, une mauvaise presse.

— Quelques-uns disent aussi, avec envie : « Oh ! Tout un État-Major disparu. Voilà une chose qui ne nous arrivera pas ! »

— J. M… disait : « Décidément, la guerre est une chose sérieuse et grave : c’est folie de la confier à des militaires. »

— Un régiment, en marche vers Verdun, fait entendre des mugissements en traversant un village. On s’étonne. Les hommes expliquent : « Quoi ? Est-ce qu’on ne nous mène pas à l’abattoir ? »

— La mode féminine a choisi des jupes amples et