Page:L'envers de la Guerre - Tome 1 - 1914-1916.djvu/190

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— J’évoque l’affaire Dreyfus avec l’avocat G. Béret. Je m’aperçois que nous vivons dans une atmosphère cent fois plus oppressante qu’à cette époque. On pouvait alors discuter avec ses adversaires, on pouvait imprimer des idées. Aujourd’hui on est bâillonné, poings liés, du moment qu’on ne pense pas comme les dirigeants. Il y a des mots qu’on ne peut pas prononcer, des faits dont on ne peut pas raisonner. On ne peut rien dire de défavorable. On ne peut pas dire que la guerre est une chose horrible. On ne peut pas demander les conditions de la paix victorieuse. C’est de l’hallucination, de la démence. Jamais dogme plus écrasant ne s’est appesanti sur les consciences.

— Painlevé dit que c’est une lutte de souffrance et que la victoire sera à celui qui résistera le plus longtemps à cette souffrance.

— Des permissionnaires prennent d’assaut le tramway, montent en surcharge en disant : « Les soldats ont tous les droits. » C’est une phrase qu’on entend aussi dans les hôpitaux. Il est possible qu’on l’entende après la guerre.

— On me dit que la boue est telle dans les tranchées, que des hommes s’y enlisent, s’y noient. Et être là, impuissant, mains liées, bouche bâillonnée !

— Le 25. Le pacifiste Ford est raillé sans pitié, sans bornes, par les caricatures anglaises. Oh ! Les Anglais seront les derniers contre la paix, les derniers pour la guerre.

— Il s’est créé plusieurs Ligues contre les « embusqués ». Elles se donnent ouvertement pour but de les dénoncer. L’une s’appelle la Tête de Loup. L’autre est fondée par la réactionnaire Liberté.

— Gustave Hervé était surtout connu avant la guerre comme pacifiste et révolutionnaire, et pour