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celle de grec δείϰνυμι de sanskrit diçati, de vieux haut allemand zeigôn (all. mod. zeigen). Mais on ne marque pas par quel rapport historique dicere se rattache au sens de « montrer, indiquer ». Ce n’est naturellement pas par un rétrécissement abstrait du sens général de « montrer » au sens spécial de « dire », qui n’en est en effet, au point de vue logique, qu’un cas particulier. Le changement s’est produit sans doute de la manière suivante. La racine deik- « montrer, indiquer » s’employait en indo-européen avec une valeur juridique définie : « à côté de δείϰνυμι qui a un sens général, le grec a δίϰη, qui désigne « l’accusation, le jugement », à côté de zeigôn, le vieux haut allemand a zihan « accuser », in-zicht « accusation » ; et le latin même a index « celui qui dit le droit », vin-dex, caussi-dicus, etc., les mots dicio, condicio sont des termes juridiques, dicare indique une proclamation faite dans des formes juridiques ou religieuses définies, et le sens est encore plus net dans de-dicare ; l’ombrien tikamne signifie « par consécration ». C’est dans la langue de la procédure, dans jus dicere « indiquer le droit » par exemple, que dicere a paru avoir le sens de « dire » ; mais ce n’est qu’en passant de la langue juridique à la langue commune que dicere a fixé le sens général de « dire » ; du reste ce verbe est resté affecté à tout ce qui se dit dans des formes fixes, et, notamment à la parole publique, et, ainsi que le marquent MM. Bréal et Bailly dans leur Dictionnaire étymologique latin, où les emplois juridiques du groupe de dicere sont d’ailleurs soigneusement notés, dicere est resté le terme solennel qui s’oppose à la causerie désignée par loqui. Cet emprunt fait par la langue commune à la langue juridique et religieuse n’est pas un fait isolé ; car la racine kens-, celle qui a fourni au latin censere, et qui, d’après le témoignage concordant de l’indo-iranien et du latin, avait le sens de « prononcer une formule religieuse ou juridique » a donné au slave et à l’albanais des mots qui signifient purement et simplement « dire ». Il est curieux que la famille du mot slave qui tient exactement la place de la racine deik- pour le sens, celle de kazati « montrer », ait fourni aussi au russe un verbe dont le sens le plus anciennement attesté est « prêcher », mais qui aujourd’hui signifié « dire », à savoir s-kazat’. On n’a pas toujours le moyen de déterminer

    générales de la phonétique et de la formation des mots, tant en indo-européen commun que dans les langues considérées.