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d’être employé comme préverbe et ne subsiste plus que dans quelques mots isolés où sa valeur propre n’est plus sensible ; d’autre part, la racine sed— n’était plus reconnaissable non plus dans nizdo-, et moins encore dans les formes que nizdo— a prises dans les diverses langues considérées ; mais on ignore quelles conditions de fait ont pu déterminer la limitation que l’isolement linguistique du mot rendait facile ; comme la limitation est de date indo-européenne, on ne peut faire là-dessus que des hypothèses inconsistantes, et il n’y a lieu que de la constater ici, en attendant que la découverte de quelque fait ou de quelque observation générale permette de déterminer en quel groupe spécial le mot nizdo— a pris son sens particulier ; il est permis de conjecturer cependant que ce doit être un terme de chasseur. Du mot latin nidus ainsi obtenu, le roman a tiré un dérivé nidiace (m) [à l’accusatif], d’où italien nidiace, français niais ; ce dérivé désigne naturellement « (l’oiseau) au nid » ; il a été employé dans la langue de la fauconnerie, pour désigner l’oiseau pris au nid ; mais pour le fauconnier, l’oiseau au nid est celui qui n’est pas encore dressé et qui est sans habileté : c’est cette dernière notion qui est pour lui la notion dominante. Passant de là dans la langue commune, le mot nidiace, niais désignera donc un être gauche, maladroit, emprunté, incapable de se tirer d’affaire et ne comprenant rien. Avec la disparition de la fauconnerie, niais a perdu toute trace de sens technique, d’autant plus que le rapport linguistique entre nid et niais n’est plus senti par le sujet parlant français ; niaiserie n’a plus rien de commun avec le sens étroit du mot niais, lequel était déjà singulièrement éloigné de celui de la racine sed— être assis ».

Au surplus, la fauconnerie et, d’une manière générale, la chasse, ont fourni beaucoup de termes à la langue commune, on le sait (voir A. Darmesteter, Vie des mots, p. 97 et suiv.). Ces divertissements de cercles aristocratiques ayant un prestige particulier, on s’est plu à employer les mots des langues spéciales de ces sports, comme de tous les sports, et on n’a pas tardé à en oublier la valeur exacte ; leurre (et déluré) sont aussi des termes de fauconnerie qui ont reçu une signification étendue. Le mot chasser lui-même est un exemple remarquable, puisque le mot latin vulgaire captiare, dont il est la continuation, se rattache à capere « prendre » et n’a pu recevoir sa signification particulière que dans la langue des chas-