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blement homogène, dans ces tribus. Ils sont du type suivant : « Le saumon a une âme très puissante ; il ne faut pas cuire du saumon dans un pot dont on s’est servi pour faire bouillir d’autre chair ; on le cuit toujours à quelque distance de la hutte (?). Les chaussures dont on s’est servi pour la chasse au morse ne peuvent pas être portées à la pêche au saumon ; et on ne peut pas travailler à des tiges de souliers tant que le premier saumon n’a pas été pris et placé sur une tige de soulier », etc., etc. (p. 123). Chasses, gibiers, instruments, moments, vêtements, travaux, repas, tout cela est divisé, classé entre les différentes saisons, les diverses circonstances de la vie. Entre toutes choses qui ont un intérêt direct, sont dressées des espèces de cloisons formées d’interdictions étroites, qui empêchent les mélanges, les contacts, les contagions quasi surnaturelles. Avec les textes Talmudiques, nous ne connaissons pas de documents plus significatifs sur la question. Sans compter que, à leur lumière, un bon nombre d’usages connus chez les autres Esquimaux s’éclaire d’une façon définitive (v. p. 367 et suiv.).

Ces usages forment le centre de la vie morale et religieuse de ces sociétés. À eux se rattachent de remarquables rites de la confession, qui annule le péché (p.123), et c’est à des transgressions ou à la régulière observance que sont attribués les heurs et malheurs de toute leur vie précaire. Ils forment enfin la raison du mythe fondamental chez les Esquimaux, celui de Sedna, la dame de la mer, maîtresse des animaux marins (qui ne sont d’ailleurs que les produits de ses doigts coupés) qui, lorsqu’un tabou a été transgressé, sent du mal à ses doigts et retient alors le gibier hors de la portée des établissements. Nous possédons enfin, de ce mythe, une version complète et circonstanciée (p. 113 et suiv.), et une version moins complète, à la terre de Baffin, mais d’autant plus intéressante qu’elle se rattache, même par le nom de la déesse, à la mythologie groenlandaise (p. 146 et suiv. Cf. p. 358). Peut-être nous trouvons-nous ici simplement en face du mythe le plus évolué de cette série, peut-être sommes-nous en présence du mythe originel dont les équivalents groenlandais d’une part, alaskans de l’autre, ne seraient que des copies défigurées ? Ne tranchons pas cette question aussi rapidement que M. Boas.

Nous avons enfin un recueil de mythes, légendes et contes, considérable même capital, parce que maintenant