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même sur les objets donnés à autrui, ou à la communauté. Il est héréditaire, suivant la ligne paternelle, semble-t-il.

Les documents de M. Nelson ont suscité immédiatement, sinon une critique négative, du moins une interprétation qui les rendrait singulièrement moins démonstratifs. M. Boas (op. cit., p. 369), dans sa conclusion, pense que le totémisme Alaskan n’est nullement comparable à une organisation totémique véritable ; que c’est simplement une espèce d’emprunt juridico-religieux, fait par les Esquimaux de cette région à leurs voisins Indiens de la côte N.-O. du Pacifique. Il se rattacherait plutôt à l’institution des marques de propriété, à celle du « potlatch » et à celle des masques de fête (op. cit., p. 368), ces deux dernières étant évidemment empruntées à ces tribus indiennes, avec une bonne partie de la mythologie et du folk-lore (mythe du corbeau père, p. 454 et suiv., in Nelson). M. Boas prend encore davantage de ce que M. Nelson a laissé de côté le grave problème de la nature de la parenté qu’établit le nom totémique. Mais il va trop loin lorsqu’il va jusqu’à nier l’existence d’un véritable lien juridique, dont M. N. nous révèle au moins la réalité s’il ne nous révèle pas les détails. Ajoutons qu’il semble même exister, dans certains villages, des phratries (p. 391) ; et il deviendra difficile de soutenir une théorie qui réduirait à un simple appareil de convention ce totémisme Esquimau qui, s’il est d’origine étrangère, est, pour le moins, plus qu’acclimaté. Enfin, les arguments par lesquels M. Boas soutient son hypothèse de l’emprunt peuvent être contredits. Tout ce qu’il considère comme originairement indien ne l’est pas nécessairement, et, pour notre compte, nous ne voyons rien de vraiment identique au potlatch Kwakiutl dans les rites et les coutumes du kashim Esquimau que justement les Indiens Tinné ont adopté des Esquimaux (p. 287). La question reste ouverte. Il est certain qu’il faudra la traiter, dans toute son ampleur, et surtout recueillir au plus vite d’autres renseignements sur ces intéressantes populations.

Un autre résultat des observations de M. Nelson, c’est l’étude à peu près complète du kashim, sorte de « maison des hommes », où les mâles de la localité mangent le repas que leur apportent leurs femmes, où les enfants sont solennellement initiés (p. 245 et suiv., p. 285 et suiv.). Les fonctions religieuses sont, pour la plupart, remplies dans le kashim.

M. Nelson nous donne de plus une importante description des grandes fêtes régulières qui se célèbrent dans ces maisons.