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les membres de la confrérie des beizam, bien que recrutés dans des clans locaux différents, se considèrent tous comme parents ; ils sont tous des crocodiles. Cette parenté est établie, et par les rites funéraires, et par les cérémonies du grand culte Bomai-Malu, et par divers pouvoirs que ces gens possèdent, notamment celui d’imposer des tabous de propriété à forme de crocodile. L’association du nom animal et du culte des animaux semble donc n’avoir persisté d’une manière durable que dans les formes les plus récentes, les plus évoluées du totémisme, là où elle eût dû disparaître, si les phénomènes sociaux régressaient suivant la même loi que les phénomènes psychiques,

Mais si peu de chose subsiste qui mérite à quelque degré le nom de totémisme, au contraire bien des croyances, bien des institutions ne s’expliquent, surtout chez les Miriam, que par le totémisme. La plupart sont rangées, arbitrairement, sous la rubrique magie (chap. xiii), simplement parce que l’action des rites y est « intrinsèque » : M. Haddon suit ici la définition de M. Frazer que, par ailleurs, il n’admet pas. Les pratiques ainsi cataloguées sont des actions exercées par des clans locaux déterminés sur des plantes et des animaux qui sont appelés leur zogo ou leur agud. Ce dernier mot est identique à l’augud des îles de l’Ouest et signifie totem. Le zogo, c’est, dans les dialectes des îles orientales, ce que font les membres de la confrérie (appelés zogo), laquelle est d’ordinaire recrutée dans des familles, quelquefois dans des villages d’un district ou de districts associés. Les zogo ce sont aussi les charmes ; le même mot désigne le caractère des mots et des formules qui sont employés dans les rites et qui portent le nom de zogo mer (p.220). M. Haddon, qui sent toute l’importance de ces notions abstraites et confuses, remarque lui-même l’analogie du zogo avec le haze de Lifu et le mana malayo-mélano-polynésien (p.243). C’est le pouvoir sur les choses, tel qu’il se manifeste dans les intichiuma australiens. On retrouve même le mécanisme de l’intichiuma presque intact. Ainsi un zogo mer, de l’Imergali, qui appartient à un sous-groupe religieux de Mer, s’exprime ainsi : « Pluie, mon zogo, donne-moi vie ». Et il est bien spécifié que c’est tel groupe local qui possède la cérémonie, soit par droit de naissance, soit qu’il l’ait reçue d’un autre groupe. Un exemple concret fera mieux comprendre l’intérêt de ces faits. Le nam zogo, ou charme des tortues, est fort important dans ces tribus (III, p. 247 ; VI, p. 51, 213,