Page:L'Humanité nouvelle, année 4, tome 2, volume 7.djvu/4

Cette page n’a pas encore été corrigée

2 L'HUMANITÉ NOUVELLE

analyser, les fouiller dans leurs replis intimes et leurs détails, pour en faire surgir ces synthèses idéales, ces rapports abstraits, ces surprenantes vues de l’esprit qui régissent le monde et que nous appelons des lois naturelles, tout cela forme l’essence même du savoir, et la science faite, la science adulte et florissante réalise chaque jour ce merveilleux effort.
Mais tout cela ne nous renseigne que très vaguement sur l’époque précise où une science devient vraiment majeure en devenant vraiment rationnelle.
L’école positiviste ne connaît qu’une seule série mentale, qu’une seule grande classification des produits de l’intelligence : l’admirable suite, la belle et forte chaîne des sciences abstraites forgée par Comte et qui restera son œuvre maîtresse. Elle ne connaît pas cette autre série, cette autre classification des choses de l’âme, plus vaste, plus étendue, qui embrasse et comprend, à son tour, comme un simple anneau singulier, la hiérarchie entière des sciences fondamentales. Elle ne connaît pas la série qui continue et prolonge l’échelle de Comte, en la faisant suivre par de nouveaux domaines de l’esprit, à la fois intimement liés à la science et distincts, séparés de la science : ces trois superbes provinces spirituelles qu’on nomme la Philosophie, l’Art et le Travail (l’application aux besoins variés de l’être social des vérités scientifiques, philosophiques et esthétiques). Celte série (appelée par nous « psychosociale ») n’est pas gouvernée, comme la série scientifique, par le double principe de la généralité décroissante et de la complexité croissante ; mais, à tous autres égards, les membres qui la composent s’y comportent les uns vis-à-vis des autres comme les sciences particulières dans la hiérarchie de Comte.
Or, c’est précisément cette concaténation nouvelle, — s’étendant à la mentalité sociale complète, englobant tous ses phénomènes, n’oubliant aucun de ses produits, — qui nous donnera, croyons-nous, la clef du grave problème soulevé et imparfaitement résolu par l’école positiviste.
L’important fait social représenté par la constitution d’une science n’intéresse pas que la série restreinte aux autres sciences, ou que la petite patrie scientifique, pour ainsi dire.
Ce fait intéresse, à des titres divers et non moins sérieux, la série infiniment plus ouverte, plus large, ou la grande patrie psycho-sociale.
Une science qui revêt enfin la robe virile, qui entre, comme membre indépendant et égal, dans le conseil des autres sciences, voilà un événement qui se répercute au loin, dans tous les domaines de la pensée, qui marque et inaugure une nouvelle phase intellectuelle, qui façonne une civilisation, qui trouble, qui agite profondément, qui souvent modifie la mentalité entière de l’époque.
Les conceptions et les croyances générales, — religieuses ou philosophiques, — sont les premières et les plus gravement atteintes. Elles s’appauvrissent de tout ce que leur enlève la science émancipée qui échappe à leur tutelle ou à leur joug.
Or, ce que la religion ou la philosophie perdent de ce chef