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appréciée au point de vue de ses joies et de ses chagrins, de ses anxiétés et de ses peines, ne vaut pas la peine d’être vécue. Des Tories de vieille roche ont prouvé et peuvent encore prouver que les esclaves achètent leur liberté au prix exorbitant de leur subsistance assurée, d’un bon gouvernement, de la paix, de l’ordre et de la sécurité. Les philosophes nous ont averti que la poursuite du bonheur est de toutes les poursuites la plus malheureuse et que le bonheur n’a pas encore été saisi jusqu’à présent, excepté sur le chemin vers quelqu’autre aspiration. La raison de chacun s’incline devant ces données, et la volonté de chacun les ignore entièrement. L’humanité est par définition déraisonnable sur ces questions, et nous affirmons notre manque de raison en faisant appel à ce que nous appelons des droits naturels et en faisant de la propagande pour faire reconnaître ces droits politiquement comme principes premiers desquels doit découler toute législation.

Tout document politique dans lequel ces droits trouvent une expression plus pleine et plus consciente, tout inefficace qu’il puisse être au point de vue pratique, devient une borne historique, comme par exemple la Magna Charta, la Pétition des Droits, l’Habeas Corpus et la Constitution américaine. La reconnaissance finale des droits naturels de chacun, dans la déclaration de l’Indépendance, en dépit de l’exclusion pratique des femmes et des noirs, a été l’inauguration solennelle de la Démocratie moderne sur sa solide base dogmatique.

Mais c’est une chose bien différente de faire connaître ce que vous désirez obtenir et de faire connaître la vraie méthode par laquelle vous l’obtiendrez.

La Constitution américaine est souvent un empêchement si exaspérant à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur de la nation américaine que les réformateurs américains ont déjà désiré ardemment la supprimer. Tout homme qui a passé par l’Université explique que les droits naturels ne peuvent pas exister parce qu’ils sont illogiques, comme si ce n’était pas précisément là leur raison d’être. Une nation qui fait ses premiers essais pour l’obtention de ses droits naturels est comme une personne qui voudrait soulager sa soif, un jour de grande chaleur, en suçant de la glace. Les moyens qui sautent aux yeux ne produisent non seulement aucun effet, mais ils causent la ruine de leur propre objet. Les premiers démocrates, habitués sous les systèmes oligarchique ou autocratique à associer le refus de leurs droits naturels à l’action du gouvernement, commencèrent par essayer systématiquement d’étendre le pouvoir individuel et de diminuer le pouvoir de l’État. En conséquence nous voyons comme premier fruit de la Démocratie le triomphe du Whig avec ses principes de liberté de contrat, « laissez faire », etc., comptant l’école de Manchester dans son avant-garde et les Anarchistes dans son extrême-gauche, tout comme Cromwell avait son aile gauche de niveleurs[1]

  1. Il serait peut-être bon que j’explique qu’ici je n’entends pas par anarchistes ces malheureux criminels qui, ayant lu dans les journaux, que les anarchistes sont des incendiaires, des voleurs et des assassins, essaient de donner de l’importance à leurs délits en se qualifiant eux-mêmes d’anarchistes. Je ne veux pas parler non