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tient son seau exactement comme il faut le tenir pour le remplir à un robinet. Le saint Joseph, qui menuise dans l’Annonciation, lève son maillet et arc-boute son genou comme il faut pour enfoncer son coin dans le bois solidement maintenu. La lavandière, qui lave son linge dans le fossé de la Porte d’Or, le tord réellement assez pour qu’il s’égoutte. Le mendiant, qui tend sa sébile à Joachim chassé du Temple, est certainement un professionnel. À côté de ces gestes, qu’on peut appeler « de métier », la femme qui fouille le coffre à linge et celle qui, du bout des doigts, tâte l’eau dans la Nativité de la Vierge, et aussi le Moïse qui se déchausse et le saint Joseph qui protège, de la main, la flamme de sa chandelle, dans la Nativité de Notre-Seigneur, font des gestes effectifs et qu’on a l’occasion souvent d’observer : aussi sont-ils tous attrapés avec justesse et rendus avec humour. Ceci n’est point particulier à l’artiste. C’est une caractéristique des Primitifs et de tous ceux qui les ont suivis jusqu’au xvie siècle. Il n’y a pas d’exemple, avant Raphaël, qu’un geste de métier soit manqué. Nous en avons encore un exemple frappant, un siècle avant cette tapisserie, dans celle du Roi Clovis : ce sont les gestes des soldats se servant de leurs armes.

C’est un étrange salmigondis, à première vue, que la tapisserie longue de huit mètres et demi, haute de la moitié environ, qui représente comment le fort roy Clovis fu couronné, comment prist la