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faite. Il n’y a peut-être pas un homme sur mille qui ait jamais eu l’occasion de croiser la baïonnette avec l’ennemi. Le trait saillant de cette guerre, avec la tranchée et la mitrailleuse, c’est l’action du canon et des autres machines : avions, tanks, sous-marins, torpilles. Or, les unes de ces machines sont tout à fait invisibles et exercent leur action sans qu’on les ait aperçues : c’est même leur raison d’être. Il n’y a donc pas, là, sujet de tableau. Les autres seraient visibles, mais les hommes ont pris soin de leur ôter toute leur signification. Ce sont même les peintres qui s’en chargent. Par leurs soins, les formidables tueuses sont déguisées en choses inoffensives, « camouflées » comme on dit : les canons couverts de ramée ou de filets, les camions et les automobiles rayées et bigarrées comme des tigres, selon les couleurs du paysage ambiant, les tanks enduits de la même ocre que les terres environnantes. Ainsi, ces monstres homicides arrivent, par un curieux effort de mimétisme inspiré de certaines espèces animales, à se faire passer pour des objets débonnaires. Jamais les apparences n’ont moins révélé les réalités. Jamais les formes n’ont été moins expressives de la fonction. Jamais, par conséquent, elles n’ont été si peu favorables à l’Art.

Et cela s’observe également de tous les progrès dans toutes les machines. À mesure que l’effet produit est plus grand, la cause est moins sensible et le moteur initial plus dissimulé. Le petit 75 est