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tique nouvelle ait jamais suivi une transformation sociale, dans des conditions telles qu’on puisse y voir un rapport de cause à effet, ou bien elle l’a suivie de si loin que, pratiquement, l’effet n’a pu toucher les contemporains. Le christianisme a bien fait surgir un art nouveau, mais après combien de siècles ! Presque toujours, les formes d’art et de vie esthétique répandues après une grande commotion sociale préexistaient à cette commotion. Elle les a parfois fait adopter : elle ne les a pas fait naître.

En fait, rien n’est venu renouveler l’art depuis la guerre, — pas même celui de la caricature ! Aucune forme inédite n’a, jusqu’ici, enrichi la raillerie, ni magnifié l’indignation. C’est dans des moules anciens qu’on a coulé toutes les idées nouvelles, moules qui datent de cent ans parfois, et parfois de bien davantage. Ainsi, le Napoléon de la Mucha, de Varsovie, examine, à la loupe, un lilliputien Guillaume II qu’il tient dans le creux de sa main, mais, ce faisant, il répète exactement le geste, inventé par Gillray pour son George III, considérant, avec la plus extrême curiosité, les rodomontades d’un minuscule Bonaparte. La seule différence est qu’il tient une loupe au lieu d’une lorgnette. L’idée de montrer les belligérants autour d’une table de jeu, qui est continuellement reprise de nos jours, date, nous l’avons vu, de 1499. Celle de symboliser les nations par des animaux : l’ours russe, l’aigle allemand, le kangourou australien,