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cornus du temps de Grünewald ou de Martin Schongauer, les vieux dieux sont sortis de leurs obituaires ; Breughel et Albert Dürer, eux-mêmes, ont été appelés à la rescousse. Depuis le début de la guerre, c’est un feu roulant de sarcasmes et de quolibets, de menaces apocalyptiques, ou le gros rire alterne avec le susurrement de la calomnie, — ce que les Anglais, qui suivent de très près ces manifestations de l’esprit teuton, appellent « l’Évangile de la Haine », ou « l’Humour des Huns », ou les « Gaz empoisonnés pictoriaux ».

Mais contre la France, on ne trouve presque rien. Çà et là, dans la foule des Alliés on aperçoit le bonnet de Marianne, ou le képi du généralissime, ou le haut de forme du Président de la République, mais on ne voit point clairement qu’ils aient à lutter contre l’Allemagne. Bien mieux, on pourrait croire, parfois, que c’est contre l’Angleterre. Dès novembre 1914, un cuirassier français, blessé, traversait les Lustige Blaetter en s’appuyant sur son sabre. Il rencontrait Jeanne d’Arc, en vue de la cathédrale de Reims et lui disait : « Chère Jeanne d’Arc, reviens et chasse ces maudits Anglais hors de France ![1] » Un peu plus tard, dans les premiers mois de 1915, on voyait dans la même feuille ce

  1. Toutes ces légendes et les caricatures qui les illustrent ont déjà été signalées, traduites et reproduites par les Anglais eux-mêmes dans leurs journaux ou leurs magazines, notamment dans la Review of Reviews, ou bien ont paru dans des magazines américains circulant en Angleterre.