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bien, prévenir les chiens du troupeau… Il faut se méfier d’un agneau qui se désaltère… Enfin, si l’on appelle « philanthropie » et « humanité » le massacre d’une population entière pour abréger la guerre et limiter ses horreurs, qu’est-ce qu’on appellera, dans la langue de Bernhardi, « barbarie » et « cruauté » ? Mieux vaut, pour l’honneur de la raison humaine, avouer qu’on a frappé parce qu’on était le plus fort et qu’on a violé les règles du jeu parce qu’on a pensé que nul ne serait là pour les faire respecter. Ainsi, on n’ajoutera pas un crime contre l’Esprit au crime contre l’humanité. Car le crime contre l’Esprit ne sera jamais pardonné. C’est ce que signifie une belle planche de Will Dyson, dans ses Kultur Cartoons, intitulé : « La Voix du Ciel ». Sous un haut portique de Ninive ou de Thèbes, un Kaiser, casqué, se courbe, se cache, se sauve ébloui : c’est qu’à travers le portique apparaît un soleil sanglant. Et ce soleil grandit, s’approche, éclate, entouré de millions d’anges, les anges à peine perceptibles, dans la lumière qu’on voit au Paradis de Gustave Doré : — et de toutes ces splendeurs, une voix, la voix du Ciel, répond au paradoxe de l’avorton chétif : « Notre loi ne connaît pas de nécessité ».

L’invoquer, au même moment qu’on transgresse sa loi, est un pharisaïsme intolérable. Ce sentiment, que nous verrons admirablement exprimé chez les Neutres, notamment par Raemaekers, anime constamment l’artiste anglais ou australien. Le Bulletin,