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d’automne, un paysan demi-soldat pousse la charrue, tandis que la femme, tenant un poupon, d’un bras, guide de l’autre les bœufs lourds, attentifs à suivre la gaule. Du haut du ciel, un aigle immense, aux ailes écartelées, va fondre sur l’attelage, et son ombre déchiquetée blasonne déjà la morne plaine. C’est une aigle héraldique : sa tête est coiffée de la couronne impériale, elle tient dans une de ses serres non pas un globe, mais une bombe ; dans l’autre, non pas un sceptre, mais un poignard. Mais elle ne fera pas de mal. Un guerrier antique, coiffé du bonnet phrygien, un géant couvert de son bouclier, le glaive en main, veille seul sur l’humble attelage… Et le sillon commencé s’achève.

Toutefois, nos humoristes ne se sont pas occupés que de nous-mêmes. Ils se sont aussi, un peu, occupés de l’ennemi. Ils ont vite découvert son point faible. Le point faible du Teuton, c’est sa prétention à l’humanité, à la propreté morale, à la « culture ». S’il ne l’avait pas, la raillerie, ne saurait où le mordre, mais il l’a, et très forte. Aussi, tout ce qui marquera le désaccord énorme entre cette prétention et ses actes portera. C’est la vertu de cet admirable dessin de M. Forain, digne d’être retenu par l’histoire, gravé sur l’Arc d’Infamie par où passeront, éternellement, les ombres des assassins de Miss Cavell. Une voiture d’ambulance est embourbée sur le champ de bataille, par une journée grise d’hiver et le conducteur s’efforce de la redresser. Le vent fait flotter sa