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gauche du transept. Un bout de galerie ajourée court encore au-dessus des ogives, ouvertes maintenant sur le vide. Entre ces deux aiguilles, cette basse masure trouée, couleur de sang, est tout ce qui reste de l’Hôtel de Ville, le Nieuwerk, Renaissance, à toit hollandais, bâti au xviie siècle, qui était accolé, plaqué aux Halles, pour le grand scandale de ceux qui aiment l’unité des styles. L’obus prussien a réparé cette « erreur ». Les hauts murs sanglants, avec quelques pignons demeurés en l’air, dans le coin à droite, c’est la grande nef de cette cathédrale Saint-Martin du xiiie siècle et du xve siècle, fameuse par ses stalles et ses bois sculptés. Et, sous ce ciel traversé de nuées sombres, au-dessus de ces flaques de pluie où les flèches de pierre enfoncent leurs reflets, la grande Halle, privée de son faîte, aplatie à terre et soulevée encore lourdement par ses colonnades, ressemble — on l’a dit, et la comparaison est exacte — au fantôme du Palais des Doges.

La comparaison est plus juste et va plus loin qu’on ne croit si l’on songe à leur sens historique. Ce qui s’est écroulé là, c’est le plus grand monument, peut-être, de la Bourgeoisie et de l’oligarchie patronale au Moyen âge. Les drapiers qui s’y rencontraient ressemblaient, en plus d’un point, aux seigneurs qui s’assemblaient dans la sala dei Pregadi : par leur génie commercial, par leur exclusivisme, par leur esprit d’entreprise. Ce n’est pas le Roi, ni l’Église qu’exaltait ce Beffroi de