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forme archaïque de l’échange

Mais, dans. ces deux dernières tribus du nord* ouest américain et dans toute cette région apparaît une forme typique certes, mais évoluée et relative­ ment rare, de ces prestations totales, Nous avons proposé de rappeler « potlatch », comme font (Tailleurs les auteurs américains se servant du nom chinook devenu partie du langage courant des Blancs et des Indiens de Vancouver à l’Alaska. « Potlatch » veut dire essentiellement « nourrir », « consommer » (1), Ces tribus, fort riches, qui vivent dans les îles ou sur la côte ou entre les Rocheuses et la côte, passent leur hiver dans une perpétuelle fête : banquets, foires et marchés, qui sont en même temps rassemblée solennelle de la tribu. Celle-ci y est rangée suivant ses confréries hiérarchiques, ses socié­ tés secrètes, souvent confondues avec les premières et avec les clans j et tout, clans, mariages, initia­ tions, séances de shamanisme et du culte des grands dieux, des totems ou des ancêtres collectifs ou indi­ viduels du clan, tout se mêle en un inextricable lacis de rites, de prestations juridiques et écono­ miques, de fixations de rangs politiques dans la société des hommes, dans la tribu et dans les confédérations de tribus et même internationalement (2). Mais ce qui est remarquable dans ces tribus, c’est le principe de la rivalité et de l’antagonisme qui domine toutes ces pratiques. On y va jusqu’à la bataille, jusqu’à la mise (1) Sur le sens du mot potlatch, v. Barbeau. Bulletin de la Société de Géographie de Québec, 1911 ; Davy, p. 162. Cependant il ne nous parait pas <pie le sens proposé sAit originaire. En effet Boas indique pour le mot potlatch,’en Kwakiutl il est vrai et non pas en Chinook, le sens de Fcoder, nourrisBeur, et littéralement « place oj being satialed », place où on se rassasie. Kwakiutl Texte, Second Sériés, Jesup Expédie, vol. X, P*

vo’ U !, p. 255, p. 517, s. v, PoL. Mais les deux sens de potlatch : don et aliment ne sont pas exclusifs, la forme essentielle de la prestation étant ici alimentaire, on théorie du moins. Sur ces v. plus loin, p. 110 n. 1,

(2) Le côté juridique du potlatch est celui qu’ont étudié M. Adam, dans ses articles de la Zeitechr, /. vergleich. Bechüiuiesenadiaft, 1911 et Buiv. et FeeUchriji à Seler, 1920, et M. Davy dans sa Foi jurée. Le côté religieux et F économique ne sont pas moins essentiels et doivent être traités non moins à fond. La nature religieuse des pamonnes impliquées et des choses échangées ou détruites ne sont en effet pas indifférentes à la nature même des contrats, pas plus que les valeurs qui leur sont affectées.