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ALEXANDRE POUCHKINE

Né en 1799, à Saint-Pétersbourg, dans un moment où la littérature russe, depuis si largement épanouie en l’œuvre complexe des Tourguenev, des Gontcharov, des Dostoïevsky, des Tolstoï, se cherchait encore et bégayait ses premiers cris, — Alexandre Pouchkine est le premier en date, il est resté le premier par le génie, d’entre les grands poètes de son pays.

Célèbre dès les bancs du lycée par ses petits poèmes imités de nos galants rimeurs du XVIIIe siècle, salué comme un maître, à dix-huit ans, par tout ce que la Russie comptait alors d’écrivains, et d’artistes, il les réunit autour de lui, à l’Arzamas, espèce d’académie analogue à ce que devait être, un peu plus tard, notre Cénacle romantique de 1830. Là s’agitaient, parmi ces jeunes gens ardents et impatients du joug, les questions littéraires, et aussi politiques, les plus aventureuses ; si bien que le gouvernement impérial s’émut et, pour quelques années, exila le hardi chef d’école sur les bords de la Mer Noire, au Caucase, dans ce radieux Orient qui l’éblouit, et qu’il chanta dans ses poèmes.

L’avènement de Nicolas 1er, en 1825, rouvre Saint-Pétersbourg à Pouchkine. Il y revient en triomphateur, mène de front les folies et les chefs-d’œuvre, traite la vie comme une chasse à courre, prend d’assaut le succès et la renommée, et tombe à trente-sept ans, frappé à son apogée par la balle d’un duelliste.

Par une contradiction curieuse, ce casse-cou de génie se trouve être, la plume à la main, le plus équilibré des artistes. Il semble que chez lui le cerveau, ferme et mesuré, tienne en bride le cœur exubérant ; ses instincts, tout d’élan et de prime saut, il les plie à la règle d’une