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au haut de l’escalier, ouvrit la porte de l’antichambre et aperçut un domestique endormi sous la lampe, au fond d’un vieux fauteuil usé. D’un pas léger et assuré, Hermann passa devant lui : la chambre et le salon étaient obscurs ; la lampe de l’antichambre les éclairait à peine.

Hermann entra dans la chambre à coucher. Devant l’armoire vitrée des vieilles icônes brûlait une lampe d’or. Des fauteuils a la soie fanée, des sophas aux dorures effacées, garnis d’oreillers de duvet, s’alignaient, tristes et symétriques, le long des murs, tapissés de papier de Chine et ornés de deux portraits peints jadis par Mme Lebrun. L’un d’eux représentait un homme d’une quarantaine d’années, au visage vermeil et plein, dans un uniforme vert clair décoré d’une plaque ; l’autre, une belle jeune femme au nez aquilin, une rose dans ses cheveux poudrés. On voyait dans tous les coins des bergères en porcelaine, de petites boîtes, une pendule du fameux Leroy, des éventails, une foule de bibelots inventés à la fin du siècle dernier en même temps que l’aérostat de Montgolfier et le magnétisme de Mesmer.

Hermann, ayant contourné le paravent, aperçut derrière un petit lit de fer ; a droite se trouvait la porte qui menait dans le cabinet, a gauche, la porte qui donnait dans le corridor. Hermann l’ouvrit et reconnut l’étroit escalier en colimaçon qui conduisait dans la chambre de la pauvre pupille… Mais il se retourna et pénétra dans le cabinet noir.

Les heures se traînaient lentes. Tout était muet. Minuit sonna dans le salon, et le silence régna de nouveau. Hermann se tenait debout contre le marbre froid de la cheminée. Il se