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III


« Vous m'écrivez, mon ange, des lettres de quatre pages plus vite que je ne puis les lire[1]. »

(Correspondance.)


À peine Lisaveta Ivanovna venait-elle d'ôter son chapeau et son manteau, que la comtesse l’envoyait chercher de nouveau et donnait l’ordre de ratteler. Elles descendirent pour monter en voiture ; tandis que deux laquais enlevaient la vieille dame et l’introduisaient par la portière, Lisaveta Ivanovna, tout contre la roue même, aperçut son ingénieur. Il lui prit le bras, et elle n’était pas encore revenue de son effroi que le jeune homme avait disparu : une lettre se trouvait dans sa main.

Elle la cacha sous son gant et, pendant toute la promenade, elle n’écouta rien, ne vit rien. La comtesse avait l’habitude de lui poser, à tout propos, dans la voiture, des questions de ce genre : « Qui avons-nous rencontré ? Comment s’appelle ce pont ? Qu’y a-t-il d’écrit sur cette enseigne ? » Cette fois, Lisaveta Ivanovna répondait au hasard et à contresens ; la comtesse se fâcha.

  1. En français dans le texte.