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part de tous les cœurs. La foudre, tombant au milieu d’eux, eût produit une moindre consternation. Il leur semble déjà que leur maître chéri, leur père va leur être enlevé. Les voilà qui se pressent autour de lui ; ils le retiennent par ses habits, comme pour le soustraire au coup qui le menace ; leurs sanglots les suffoquent. Ils n’ignorent point, ces pauvres enfans, la loi de la nature, et la nécessité de mourir ; mais ils ne se sont pas encore imaginé qu’un Dieu bon puisse leur enlever celui qui est pour eux sa vivante image sur la terre. M. l’abbé de l’Épée, imposant doucement silence à leurs cris, et s’efforçant de faire cesser leurs larmes, sans pouvoir lui-même retenir les siennes, qui coulent en abondance, leur parle de la résignation due aux volontés de la Providence ; leur rappelle que la mort n’est point une séparation éternelle, et qu’en sortant de ce monde il ira les attendre dans une vie meilleure, pour y être à jamais réunis. Ses gestes ont pris peu à peu un ton solennel. L’expression de sa pensée pénètre doucement jusqu’au fond de leurs âmes ; les larmes coulent encore, mais ce ne sont plus ces angoisses cruelles ; les déchiremens du cœur ont fait place à la douce mélancolie, qui est si favorable aux pensées reli-