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point de distinction entre lui et le vulgaire des instituteurs. Oui, les riches peuvent payer des maîtres ; mais paie-t-on le génie ? achète-t-on, avec de l’or, cet attachement, ce dévoûment parfait, cette charité active qui, dans l’instituteur des sourds-muets, peut en quelque sorte suppléer à tout, et que rien ne peut suppléer ?

En 1780, l’ambassadeur de l’impératrice de Russie vint le féliciter, et lui offrir de riches présens de la part de cette princesse, qui savait si dignement apprécier tout ce qui est vraiment beau et grand. « M. l’ambassadeur, lui répondit M. de l’Épée, je ne reçois jamais d’or ; mais dites à Sa Majesté que si mes travaux lui ont paru digne de quelque estime, je ne lui demande, pour toute faveur, que de m’envoyer un sourd-muet de naissance que j’instruirai. »

Personne n’ignore quel beau, quel grand caractère a développé M. de l’Épée, dans cette circonstance de sa vie qui, transportée sur la scène, a fait si souvent couler les larmes des spectateurs.

Un jeune sourd-muet est trouvé errant, sur le déclin du jour, dans les rues de Paris ; on le conduit à M. l’abbé de l’Épée ; il le reçoit comme envoyé par le ciel même, et le nomme Théodore. Sous les haillons de la misère, on