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thode, et en méconnut lui-même l’étendue et la fécondité.

Déplorons ici, Messieurs, la puissance de l’habitude : lorsqu’un génie hardi a déchiré le voile de l’erreur, et qu’il est près de saisir la vérité ; ou que, prenant un sublime essor, il s’élève avec gloire au-dessus des préjugés vaincus, une force aveugle l’arrête tout à coup, et le repousse dans l’ornière de la routine[1].

  1. Ce jugement pourrait paraître trop sévère, et exige que nous l’appuyions de quelques preuves.
    M. l’abbé de l’Epée, qui insiste, en vingt endroits de son livre, sur la nécessité d’instruire les sourds-muets par leur propre langage, dénature lui-même quelquefois ce langage, pour le plier aux formes de la langue française, que, d’un autre côté, il enseignait d’après les principes de la grammaire latine. Je ne m’arrêterai point à un grand nombre de ses signes, qui, tirés de la décomposition (pour ainsi dire) matérielle des mots, en étaient, en quelque sorte, une épellation syllabique par gestes, comme surprendre, prendre sur, comprendre, prendre avec (cum), etc. Qu’il me soit permis de citer deux ou trois passages qui, n’ayant rapport qu’à la grammaire, pourront être appréciés par tout le monde. « Il faut, dit-il (page 18), faire connaître les cas aux sourds-muets, et leur en apprendre les noms : nominatif, génitif, datif, accusatif, vocatif, ablatif, sans se mettre en peine de leur expliquer ces noms.