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point pour ces enfans de la nature, la distance que la diversité des langues a mise entre les

    resse, ils communiqueront avec une grande facilité leurs théories, leurs systèmes, leurs découvertes, et ils recevront en échange d’autres théories, d’autres découvertes. Il est vrai que nous raisonnons sur des suppositions, et l’on doutera qu’on puisse les réaliser. Est-il bien facile, nous dira-t-on, de faire le recensement de toutes les idées simples, de les caractériser par des signes bien choisis, de les ordonner d’après les divers besoins de l’esprit, de les combiner suivant les lois d’une bonne logique ? Et quand on aurait surmonté toutes ces difficultés, il en resterait une encore, et la plus grande de toutes. Il faudra écrire cette langue, sans quoi l’on ne pourra pas se communiquer d’un lieu à un autre, et nos savans seront obligés, ou de revenir aux langues parlées, ou de passer leur vie en voyage, comme les anciens philosophes de l’antiquité. Or, comment écrire le langage d’action ? Quels caractères peindront la finesse ou la stupidité ? l’orgueil du regard ou sa modestie ? le doux sourire ou les convulsions des lèvres ? etc. Ne faut-il pas renvoyer aussi l’exécution de ce projet dans le pays des romans ?
    « Je conviens que ces difficultés sont effrayantes ; mais que diriez-vous si l’on vous répondait comme il fut répondu à celui qui niait la possibilité du mouvement ? on marcha devant lui. Je ne serai pas surpris qu’un disciple de l’abbé de l’Épée ou de son digne successeur se présentât à vous son livre à la main : Ouvrez et voyez,