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déjà la langue universelle pour les sourds-muets ; de quelque pays éloigné qu’ils soient,

    s’agit donc pas d’inventer une langue universelle, de la faire ; elle existe : c’est la nature qui l’a faite.
    « Cette langue, vous le voyez, c’est la langue des gestes, la langue d’action ; et si vous dites qu’une pareille langue est bien pauvre, qu’elle ne peut suffire à tous les besoins de la pensée, je réponds qu’il ne tient qu’à nous de l’enrichir. Elle est pauvre, parce qu’on la dédaigne et qu’on la délaisse ; nous l’avons jugée inutile, et elle l’est devenue. Cependant elle pourrait, aussi bien qu’aucune langue parlée, recevoir et rendre tous les sentimens qui sont dans le cœur de l’homme, toutes les idées qui sont dans son esprit. Ce qu’on raconte des pantomimes qui jouaient sur les théâtres de Rome ; l’assurance avec laquelle Roscius s’engageait à traduire par des gestes les éloquentes périodes de Cicéron, et à les traduire avec la plus grande fidélité, alors même qu’il plairait à l’orateur d’en changer le caractère, en variant le tour, ou en transposant les mots ; enfin ce que font, sous nos yeux, une foule de sourds-muets, tout nous dit ce qu’il est permis d’attendre d’une telle langue. Que les grammairiens, les philosophes, les académies se réunissent pour en favoriser les développemens, les promesses de Descartes et de Leibnitz seront bientôt réalisées.
    « Mais il faut rendre cette langue à elle-même, et la ramener à sa première simplicité, à son unité primitive. On n’aura pas d’universalité avec des alphabets-manuels. Le sourd-muet de Paris parle français avec