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M. Deschamps vit la difficulté, il en fut effrayé ; il s’arrêta devant elle, au lieu de chercher à la surmonter pour l’aplanir à ses élèves.

Mais il s’en faut de beaucoup, Messieurs, que l’étude des signes soit aussi pénible, et surtout aussi rebutante qu’on pourrait d’abord se l’imaginer.

Nous avons vu que, sans art et sans leçons, tous les sourds-muets en font usage[1]. C’est, on peut le dire, le langage propre de l’homme ; et s’il nous paraît être plus particulièrement le privilége des sourds-muets, c’est que le besoin le développe en eux, quand l’habitude de nos

  1. On croirait difficilement combien il y a peu de gens qui se fassent une juste idée du langage des sourds-muets. Les uns s’imaginent que ce langage ne consiste qu’à figurer successivement avec les doigts, à l’aide de l’alphabet-manuel, les lettres qui composent les mots et les phrases. D’autres supposent que le sourd-muet reçoit tous les signes de son maître, et presque tout le monde est persuadé que ce langage ne peut guère exprimer que des notions physiques. Les sourds-muets ne font ordinairement usage de l’alphabet-manuel, que pour quelques noms propres qui ne peuvent avoir de signes caractéristiques. Mais leur véritable langue, c’est la représentation immédiate de la pensée, au moyen des signes naturels. Ces signes se tirent de la forme extérieure des objets qu’on veut représenter, de leur manière d’être,