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On ne ſçauroit donc diſconvenir que les poſſeſſeurs de RIEN, comme ſont tous les Peuples que nous appellons Sauvages, & qui le ſont en effet bien moins que nous, ne ſoient ſans contredit les hommes les plus tranquilles de l’univers ; de même que ceux qui vivent contens de RIEN, en ſont les plus riches & les plus heureux[1] :

Qui vit content de RIEN, poſſede toute choſe.

Et comme a dit La Fontaine dans ſa Fable de Philemon & de Baucis :

Ni l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux,
Ces deux Divinitez n’accordent à nos vœux
Que des biens peu certains, qu’un plaiſir peu tranquille :
Des ſoucis dévorans c’eſt l’éternel aſyle,
Veritables vautours que le fils de Japet
Repréſente enchaînez ſur ſon triſte ſommet.
L’humble toict eſt exemt d’un tribut ſi funeſte,
Le ſage y vit en paix, & mépriſe le reſte :
Content de ces douceurs, errant parmi les bois,
Il regarde à ſes pieds les favoris des Rois,
Il lit au front de ceux qu’un vain luxe environne,
Que la fortune vend ce qu’on croit qu’elle donne.

  1. Boileau.