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le chien d’or

— Je descendrais, pour elle, au fond de l’enfer ! Mais pourquoi me tentez-vous, de Péan ?

— Vous n’avez donc pas compris ses paroles ? Elle vous demande pour son bonheur et son bien…

— C’est vrai ! pourtant, c’est vrai ! Par Dieu ! je n’ai pas le cœur assez dur pour refuser. J’y vais ; je pars !

— Nous nous embarquerons au point du jour.

— Au point du jour, c’est bon ! Vous m’avez fait boire, de Péan, n’importe ! c’est mieux. Je veux boire jusqu’à l’heure du départ. Il me sera plus aisé de laisser ma tante et ma sœur. Pierre Philibert va être fâché. Mais il peut s’en venir. Ils peuvent tous s’en venir ! Je m’en veux, pourtant, de Péan… Je m’en veux ! je me déteste ! Mais pour moi Angélique Des Meloises est tout… je l’aime trop, c’est péché, de Péan !

VIII.

De Péan vit que Le Gardeur était mûr pour la ruine. Il le ramena à la table de jeu où Le Mercier et Lantagnac brassaient les dés et l’argent, avec une ardeur qui tenait du vertige. La partie commencée la veille se prolongea jusqu’à l’aurore. Un vin nouveau fut apporté, les enjeux redoublèrent, les émotions devinrent plus poignantes.

Dès que la lumière du matin parut, tous quatre se levèrent de table, et, les yeux rougis, le front hâve, les cheveux en désordre, les habits tachés de vin, ils prirent le chemin de la grève.

Des canotiers les attendaient, en fumant, assis sur le bord de leur canot.

Ils s’embarquèrent, le canot fut poussé au large, puis se mit à descendre sur le fleuve devenu calme, en ouvrant un léger sillon où tremblotaient les premières lueurs de l’aube.

De Péan triomphait. Et pourtant, ce triomphe lui faisait mal, car sa jalousie ne dormait point. Il se mit à chanter, puis à conter des histoires à faire rougir les canotiers qui ramaient en silence. De