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le chien d’or

IV.

Angélique ne sortit pas de la journée. Les heures lui parurent longues et la pensée de sa confiante rivale fut sans cesse comme un fardeau pesant qui l’écrasait.

La nuit arriva. Les lampes furent allumées et la flamme de l’âtre prit une teinte de sang dans l’obscurité.

Angélique avait défendu sa porte. Pas d’exception ! Elle avait donné congé à Lizette pour jusqu’au lendemain, et elle attendait la Corriveau avec anxiété.

Sa magnifique robe de bal gisait toujours là, d’un tas, sur le plancher, où la veille elle l’avait laissée tomber… comme sa robe d’innocence !

Elle était belle, mais son expression cruelle rappelait Médée jurant de se venger de Créuse. Un de ses bras était nu, ses cheveux d’or tombaient jusqu’à terre, ses lèvres serrées indiquaient une résolution inébranlable, ses yeux flamboyaient, ses mains jointes se crispaient comme du fer sur un brasier, et ses pieds semblaient marquer les mesures du chant de mort qui montait du fond de son âme.

Une pensée de pitié se réveilla un instant : elle la chassa.

— Si elle ne meurt pas, se dit-elle, moi, je mourrai !…

Nous ne pouvons plus vivre toutes deux. L’une de nous est de trop !… Et je le tuerais lui aussi s’il hésitait dans son choix… Mais que son sang retombe sur elle-même et sur lui !… Non, ce n’est pas moi qui l’ai voulu…

V.

L’insensée ! elle s’aveuglait au point de rejeter sur ses victimes le crime qu’elle méditait ! au point de se croire presque innocente quand elle aurait payé une main étrangère pour le perpétrer ! Comme si