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le chien d’or

plusieurs fois, la gourde fut vidée jusqu’au fond, le violon se mit à râler des variations inconnues, le notaire et le musicien roulèrent l’un contre l’autre sur la pierre du foyer, avec leur hôte, et dormirent profondément jusqu’au jour.

IV.

Quand ils s’éveillèrent, le soleil brillait et l’orage était loin. Ils recueillirent leurs esprits et se souvinrent comment et pourquoi ils se trouvaient ainsi chez l’ami Roger Bontemps. Ils eurent honte, avouons-le, pas énormément, mais un peu, et se demandèrent s’ils allaient se rendre au manoir ou retourner au village.

Pendant qu’ils délibéraient, un petit domestique du manoir passa. Il revenait de l’auberge où madame de Tilly l’avait envoyé dès le point du jour. Il apprit à maître Pothier que Le Gardeur venait de partir en canot, pour la ville, avec le chevalier de Péan et ses associés.

Le départ de maître Pothier et de Jean La Marche avait laissé un grand vide dans l’hôtellerie. Avec eux le rire, la gaieté, la chanson, le mot drôle semblaient s’en être envolés. Les habitués, tous plus ou moins gaillards, se retirèrent tour à tour, sans bruit, et comme un peu soucieux. Il n’y avait plus d’argent dans le gousset, peut-être, et le crédit n’était pas fameux. Ou bien l’image de la femme s’offrait à l’esprit. Elle aurait son mot à dire, la femme ! Elle ne s’était guère amusée, elle, et la colère s’était amoncelée toute la nuit dans son cœur. Ce serait une tempête plus redoutable que celle du dehors…

Les joueurs restèrent plus longtemps à l’auberge et se livrèrent sans contrainte à de tapageuses démonstrations, quand ils se virent seuls.

Paul Gaillard, l’hôtelier, un brave homme, fort timide et pas du tout accoutumé aux grands personnages, se montrait le moins possible, et seulement quand on l’appelait. Il avait son jeune seigneur en grande estime, et il aurait bien voulu le voir partir