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le chien d’or

venir s’asseoir près du feu. La cause est jugée : j’ai perdu !

— Jean La Marche, veux-tu venir au manoir avec moi, ce soir ? demanda-t-il au violoneux.

Jean avait la langue passablement embarrassée. Ses pensées flottaient dans une mer de vin.

— Au manoir ? fit il, le chemin est long comme un cantique de Noël, maître Pothier, et la pluie va gâter les cordes de mon violon. N’importe, maître Pothier, pour vous être agréable, j’irai. Ces chiens de la Friponne hurlent de plus en plus fort. Ils vont dévorer Le Gardeur avant demain matin… Je vais vous accompagner… Donnez-moi la main, vieux Robin ! Mais, diable ! Mon siège est bien pesant : je ne viens plus à bout de me lever !

III.

Après plusieurs essais infructueux, s’aidant mutuellement avec une touchante fraternité, ils réussirent enfin à se mettre sur leurs jambes, et sortirent, bras dessus bras dessous.

La pluie tombait dru, l’eau coulait dans le chemin, les ombres s’épaississaient.

Ils allaient toujours, glissant, avançant, reculant, riant, chantant, le notaire avec son sac de cuir plein de vieux papiers, le violoneux avec son instrument emmailloté dans une flanelle verte.

Ils arrivèrent ainsi à la porte d’une petite cabane noire, la demeure de Roger Bontemps, un vieux camarade.

— Si nous entrions, une minute, fit le violoneux, pour nous faire sécher un peu.

— Ou pour tremper un peu le dedans, afin que le dehors ne soit pas jaloux, répondit le notaire.

Ils entrèrent. L’humble propriétaire les reçut à bras ouverts et les fit asseoir près d’un bon feu.

Maître Pothier tira sa gourde, Jean La Marche prit son violon. Il fallait bien se dédommager un brin des ennuis de la route.

Les minutes passèrent vite, les heures sonnèrent