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le chien d’or

XIII.

— Avez-vous été marié déjà ? reprit Jean La Marche, au bout d’un instant.

Maître Pothier le regarda d’un air moqueur, puis il éclata de rire.

— Moi, marié ? fît-il, ha ! ha ! l’idée !… Non ! Je connais trop bien la loi pour cela. Non ! Jean La Marche, je ne me suis jamais marié… Mariez-vous, si vous l’aimez, je suis prêt à écrire votre contrat de mariage sur une feuille de papier large et blanche comme la robe de noce de votre future ; mais ne me demandez pas d’encourir l’obligation de payer le droit du seigneur qui existe d’après la coutume de Normandie.[1]

— Mais il paraît qu’il n’existe plus ce droit-là, riposta Jean en regardant les autres personnes qui se trouvaient dans la pièce.

— Bah ! répondit Nicolas Houdin, un grand gaillard, je suis à Tilly depuis soixante ans, et je n’ai jamais entendu dire que nos nobles seigneurs l’aient revendiqué.

— Je parle du droit, reprit le notaire, pas de la pratique, de la possibilité de la chose, non de son actualité.

— C’est du latin, pensa Houdin, il ne faut pas douter.

— Oui, je comprends, vous avez raison, maître Pothier, ajouta-t-il.

Jean La Marche reprit tout radieux :

— Quand à nous, dans tous les cas, nous en serons exemptés, car c’est une seigneuresse bien généreuse que nous avons à Tilly ; buvons à sa santé !

— Je veux bien boire, Jean La Marche, riposta le vieux notaire, mais tu ne me prendras pas comme

  1. Cette obligation de battre les genouillères et ce droit du Seigneur, sont de sottes histoires inventées par la calomnie et propagées en haine de l’ancienne noblesse, par l’ignorance et le préjugé, tel que l’ont établi plusieurs auteurs et notamment M. Louis Veuillot, dans son livre intitulé « le droit du seigneur. »