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le chien d’or

chaque minot. Il y avait une sérieuse discussion pour savoir si une poignée était une poignée ou bien une jointée comme le prétendait toujours Joachim, le brave meunier.

Madame de Tilly gardait ses pigeons dans le colombier, pour les empêcher de piller les champs de ses censitaires. Mais il fallait savoir combien elle avait le droit d’en garder et combien aussi les habitants devaient en nourrir. La table, la porte, les cloisons de l’auberge se couvraient alors de chiffres blancs, joliment fantastiques, que le cidre finissait toujours par effacer.

XII.

Maître Pothier et Lamarche discutaient toujours.

— D’après la coutume de Rouen, affirma le vieux notaire, madame de Tilly peut avoir un colombier capable de nourrir et de manger toute la Seigneurie. C’est son droit.

— Dites donc aussi, répliqua Jean Lamarche qui se faisait le Défenseur du Peuple, dites donc qu’elle peut user du droit de grenouillage, comme le seigneur de Marais Le Grand.

— Et sans doute ! Jean La Marche, sans doute qu’elle le peut ! C’est un droit inhérent aux fiefs normands. Seulement, comme il n’y a pas de grenouillères à Tilly, les bons habitants ne sont pas obligés de se lever la nuit pour aller faire taire les grenouilles. S’il y avait des grenouilles, mon bon, vous iriez pendant toute la nuit qui précéderait le mariage de votre seigneur, en fouetter, avec de longues gaules, les ondes verdâtres, et vous chanteriez, pour inviter les grenouilles à se taire et votre maître à ronfler :


Pa ! pa ! rainotte, pa !
Notre seigneur dort, que Dieu gâ !


— C’est une curieuse coutume, maître Pothier ; et l’on endure ça ?