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le chien d’or

pour me griffonner un acte de damnation ? lui demanda Louis Du Sol…

— Cela dépend, répondit le vieillard rusé.

— C’est un cochon raisonnable que…

— Comment ? tu veux damner un cochon raisonnable ?…

— Oui, je veux donner un cochon raisonnable pour l’usage d’un petit morceau de terre en bas du moulin.

— Faudra-t-il y mettre un sceau ?

— Oui, maître Pothier, un sceau, tout !

Maître Pothier gratta sa perruque de l’air le plus grave du monde.

— Un acte de damnation de première qualité, solide, inattaquable, te coûtera cinq livres, dit-il ; un de moyenne qualité, avec deux ou trois portes pour sortir, te coûtera trois livres ; un mauvais, qui ne liera personne et ne signifiera rien, ne te coûtera qu’un franc. À ton choix, Louis.

L’habitant crut qu’un acte de damnation tout à fait ordinaire et le plus commun, était tout ce qu’il fallait. Dans tous les cas, il ne se trouverait pas plus lié que l’autre partie et pourrait tout aussi bien commencer la chicane et faire un joli procès.

XI.

Avec maître Pothier, il fallait toujours finir par causer de chicane et de procès. Son havresac sentait la loi comme celui d’un médecin, la drogue.

Les habitants de Tilly étaient de braves gens, qui respectaient leur seigneuresse ; mais ils avaient un penchant à l’ergotage et aimaient à faire voir qu’ils connaissaient les subtilités de la coutume de Paris et de Rouen.

Ils payaient régulièrement les cens et rentes ; mais depuis quelques années, madame de Tilly leur en faisait remise à cause de la dureté des temps.

Ils faisaient moudre leur grain au moulin banal, et n’avaient pas le droit d’aller ailleurs. Ils donnaient en paiement quelques poignées de ce grain pour