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le chien d’or

un exploit quand maître Pothier était là ; car il possédait, ce vieux notaire, une terrible vigueur de langue. Avec ses phrases prises dans les codes, et ses citations latines, il réussissait à embarrasser Jean, mais alors le violoneux prenait son instrument, attaquait un air gai, appelait sur lui l’attention, et la discussion était à recommencer.

IX.

L’arrivée de maître Pothier dans le village était presque un événement. Non pas que ses visites fussent bien rares, mais parcequ’il était aimé, après tout, ce savant homme de loi, qui vidait si lestement un verre et si vite embrouillait une affaire.

À peine s’était-il installé chaudement, dans un fauteuil, en face de l’âtre brûlant, avec ses paperasses et ses bouquins, que toute la seigneurie connaissait la grande nouvelle, et qu’une douzaine de braves plaideurs se flattaient déjà d’avoir raison les uns des autres en deux mots et à bon marché.

Au reste, il y avait de la besogne de taillée pour la plume du notaire. Songez-y, toutes les querelles et tous les procès-verbaux d’une année à mettre en blanc et en noir ! Les moribonds l’avaient attendu pour mourir, ne voulant trépasser qu’en bonne et due forme, et laisser leurs dernières volontés clairement, formellement exprimées ; les promis l’avaient attendu pour signer le contrat qui devait les enchaîner l’un à l’autre à jamais. Le feu sacré de l’amour pouvait brûler leur cœur, mais le flambeau de l’hymen ne s’allumait que lorsque les conditions des épousailles avaient été couchées sur une feuille de papier fort et scellées par une étoile de cire rouge.

Le notaire avait affaire à de mauvais payeurs, assez souvent, mais il se tirait gaiement d’embarras. Ils ne se gênaient guère pour le faire travailler : pourquoi se serait-il gêné pour les faire payer ?

X.

— Combien allez-vous me charger, maître Pothier,