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le chien d’or

VII.

Le lendemain fut un jour humide et mauvais. Le vent souffla fort, et sous sa froide haleine, les arbres secouèrent les gouttelettes restées aux feuilles. Le gazon des champs était presque sombre comme le firmament du ciel. Les chemins boueux s’allongeaient comme des serpents noirs sous les bois ou dans les plaines ; les ruisseaux coulaient à pleins bords, et leurs eaux jaunies par le sable des prairies s’en allaient se perdre dans le grand fleuve, à peine visible à travers le brouillard.

Là-bas, sur le rivage rocailleux, les vagues venaient mourir tour à tour et rapidement avec un murmure sonore au pied de la falaise, l’église dessinait à peine sa silhouette grise dans le voile blanc de la bruine ; et la cloche, quand elle sonnait pour la prière, faisait à peine entendre sa voix sainte, aux fidèles frileusement enfermés dans leurs demeures.

Personne sur le chemin noir de boue, si ce n’était de temps en temps une femme qui courait chez la voisine, les pieds crottés et la tête enveloppée dans un châle.

VIII.

Cependant, il y avait du monde à la vieille auberge ; des bateliers, des habitants qui profitaient de la pluie pour se réunir, boire un coup. Dans un coin, tout près du foyer qui flambait, un petit vieillard, la face illuminée par la flamme et le vin, la robe retroussée jusqu’à la ceinture, se chauffait les jambes avec une satisfaction qu’il ne cherchait pas à dissimuler. C’était maître Pothier dit Robin.

À côté de lui, Jean Lamarche évoquait, avec une verve infatigable, les souvenirs de l’émeute et les qualités de son violon alors si indignement écrasé, pressait sur son cœur un autre violon nouvellement éclos, et coupait, dans son désir de ne rien oublier, la parole à tous ceux qui commençaient un récit,

Parler plus souvent qu’à son tour, c’était presque