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le chien d’or

par quelque femme. N’importe ! Le Gardeur paierait bien pour cela ! Il boirait et se dégraderait assez qu’Angélique regretterait de l’avoir fait revenir.

Il savait bien qu’Angélique ne songeait pas à l’épouser ; il savait également que Bigot ne songeait pas davantage à épouser Angélique. Il les connaissait parfaitement l’un et l’autre. Il n’en était pas moins jaloux cependant.

Une chose le consolait dans ses regrets, une chose faisait sourire sa mauvaise humeur : si la femme qu’il aimait pour ses richesses lui avait échappé, celle qu’il recherchait pour son esprit et sa beauté, lui tomberait comme un flacon d’or entre les mains, ou par dépit, ou par amour. Peu lui importait le motif.

Ce fut à l’auberge du village de Tilly qu’il commença à mettre à exécution son projet honteux. Il n’ignorait pas qu’au manoir des yeux vigilants auraient veillé sur sa victime. À l’auberge, personne ne le gênerait, personne n’interviendrait, et il aurait pour l’aider, le vin, le jeu, le souvenir de mademoiselle Des Meloises.

Si Le Gardeur portait à ses lèvres altérées, au nom d’Angélique, une coupe pleine de vin, s’il prenait dans ses mains les cartes ou les dés pour tenter la fortune, et s’enivrer des émotions du jeu, c’en serait fait de lui ; toutes ses bonnes résolutions, ses principes vertueux s’effondreraient pour jamais. Il secouerait le joug de ses gardiens, et reprendrait sa liberté ! Il reviendrait à la ville, où la grande compagnie l’attend pour une œuvre qu’il ne soupçonne point, et dont il ne connaîtra l’odieux que lorsqu’il sera trop tard pour se repentir.

De Péan se souvenait d’une parole de Bigot, et il croyait avoir trouvé sa vengeance. Le Gardeur et Amélie verraient ce qu’il en coûte pour enlever à un gentilhomme ses espérances et démolir ses ambitions.