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le chien d’or

je l’aurais laissé tomber du haut de ses espérances, comme du haut du rocher on laisse tomber un caillou dans le gouffre de la chaudière…

— Tu as toujours été plus hardie que moi, Héloïse ; je ne pourrais, pour rien au monde, faire cela. Je ne veux causer de peine à personne, pas même au chevalier de Péan. Et puis, cet homme, je le crains ; tu sais pourquoi. Il a sur Le Gardeur une puissance extraordinaire, une autorité qui m’épouvante. Quand ils sont quelque part ensemble, je voudrais y courir, pour éloigner ou prévenir sa maligne influence, pour protéger mon frère bien aimé ! Hier encore, au salon, je me suis longtemps attardée avec eux ; trop longtemps ! et de Péan a pu supposer que je me plaisais en sa présence.

— Ô mon Amélie ! ma sœur ! Oh ! laisse-moi t’appeler ainsi. J’éprouve les mêmes craintes que toi pour Le Gardeur !… pour Le Gardeur que j’aime sans espérance et que je voudrais voir heureux !

— Ne dis pas sans espérance, chère Héloïse, fit Amélie, en embrassant avec tendresse son amie, Le Gardeur n’est pas insensible à ta douceur et à ta beauté…

— Hélas ! Amélie, je sais bien que mon attachement est inutile ! je n’ai aux yeux de ton frère, ni grâces, ni vertus… Hier encore, il m’a laissée pour causer d’elle avec de Péan… D’elle ? Angélique Des Meloises !… Et comme il était animé, transporté, plein de feu ! comme les questions se pressaient sur ses lèvres ardentes !… J’ai bien souffert, va !…

Elle cacha son visage couvert de larmes dans le sein de son amie et se mit à sangloter comme si tout son cœur se fut brisé dans une angoisse.

IV.

Amélie pleura quelques moments avec elle. Elle songea que de Péan pouvait bien avoir apporté à Le Gardeur un message, un souvenir peut-être, de la dangereuse coquette. Elle le rappelait peut être, du fond de son boudoir enchanté. Alors, rien ne pour-