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le chien d’or

II.

De Péan grinça des dents et jura de se venger de cet outrage. Il appelait cela un outrage, lui, cette juste répugnance que la vertu éprouvait à le voir. Il jura qu’avant longtemps Amélie expierait cruellement cet indigne acte de mépris.

Un de ses rêves les plus caressés s’envolait pour ne plus revenir. Il avait regardé avec envie l’immense fortune et la haute position de la jeune châtelaine de Repentigny ; la cupidité s’était allumée plus vive encore que l’amour dans son âme basse, et les charmes incomparables de la sage beauté le touchaient moins que la pensée de ses richesses.

Il n’était pas assez magnanime pour supporter bravement la perte de ses espérances. Il ne comprenait pas, dans sa sotte vanité, quand il se regardait avec béatitude, qu’une femme put lui préférer un autre homme ; il ne comprenait pas qu’une femme suivrait pieds nus, s’il le fallait, un gueux qu’elle aime, et refuserait de chausser des sandales d’or pour marcher avec un riche qu’elle n’aime pas.

III.

Quand Amélie fut entrée dans sa chambre, elle dit à Héloïse de Lotbinière qu’elle n’aurait pas voulu traiter un gentilhomme aussi rudement que cela ; parce qu’une femme ne doit jamais répondre par le mépris à l’amour d’un homme, quand cet homme est honnête et sincère.

— Mais le chevalier de Péan, ajouta-t-elle, est si faux, si présomptueux que je ne puis souffrir qu’il me parle comme à une amie. Je suis, je veux rester une étrangère pour lui.

— Tu t’es montrée trop bonne encore, lui répondit Héloïse en l’entourant de son bras ; s’il se fut adressé à moi, je me serais autrement moquée de ses flatteries. Je l’aurais payé avec la même monnaie. Je l’aurais laissé s’avancer au bord du précipice, faire de tendres aveux, offrir sa loyale main, puis, alors