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le chien d’or

conception qu’ils en avaient et qu’ils dégradaient par l’usage factieux qu’ils firent de leur idéal.

Il en est de même de ces Anglais, successeurs de Voltaire, qui se font une idée fantaisiste d’une divinité qu’ils appellent l’Amérique. Ils rampent à ses pieds, lui rendant un culte moitié idolâtre, moitié poltron, mais dégénérant tout-à-fait du sentiment de bravoure et de l’esprit d’indépendance qui animait la nation anglaise.

XIX.

Les funestes prédictions de La Corne St. Luc furent inutiles. Les événements se précipitèrent. Une lutte désespérée commença pour sauver la domination française. Chacun fit son devoir envers Dieu et envers son pays ; la bravoure et le dévouement furent sans bornes, et les soldats canadiens sacrifièrent leurs biens, leurs familles et leur vie pour défendre le drapeau national !

La Nouvelle-France n’avait jamais contemplé tant d’héroïsme, recueilli tant de gloire ! jamais l’Amérique n’avait vu de si beaux combats ! Hélas ! la mère patrie ne se réveilla point de sa criminelle torpeur ! Aujourd’hui qu’il n’y a plus de Pompadour, que ne donnerait-elle pas pour ces quelques arpents de neige alors si lâchement cédés à l’Angleterre !

Mais ces douloureux événements n’étaient pas encore sortis des ténèbres de l’avenir. L’orage grondait. Les nobles convives du comte de La Galissonnière pouvaient ressentir de l’inquiétude, mais pas de découragement encore, pas de désespoir.

XX.

Pendant que l’on versait du vin, ou que l’on remplissait de tabac les pipes culottées, un serviteur annonça Pierre Philibert.

Tous se levèrent pour lui souhaiter la bienvenue.

Pierre semblait inquiet, mal à l’aise. Cependant, de si cordiales poignées de mains le remirent aussitôt.