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le chien d’or

honneur s’effondrera pour jamais dans l’océan de la dégradation nationale !

En articulant ces paroles de feu, De La Corne St. Luc était le fidèle interprète de presque tous les hommes intelligents de la colonie.

Ils se sentaient moitié délaissés et tout-à-fait dédaignés par la mère-patrie. La politique de la France, on commençait à le sentir et les plus habiles le comprenaient parfaitement, subissait l’influence perverse de Voltaire qui ourdissait alors sa cabale anticoloniale. Voltaire ! qui plus tard manqua de cœur et de patriotisme au point d’allumer des feux de joie pour célébrer la défaite de Montcalm ! et la perte par la France de sa plus grande colonie !

Chose étrange ! après un laps de temps de plus d’un siècle, il a surgi une race d’Anglais qui se sont faits les successeurs des encyclopédistes français pour poser en principe que seule la richesse fait la grandeur d’une nation et que, pour l’Angleterre, le seul moyen de rester un État puissant et respecté est de se débarrasser de ses colonies, de s’aliéner le cœur de millions de ses plus loyaux sujets, de briser les éléments les plus forts de sa puissance nationale en divisant son empire et en en poussant les fragments dans les bras de ses ennemis ! Espérons que le peuple anglais fera sourde oreille à d’aussi pernicieux arguments.

Il existe des Voltaire et des Diderot anglais qui croient en l’efficacité de la pusillanimité nationale et qui l’enseignent. Ils sont comme cet homme poursuivi par les loups qui leur jetait de sa voiture tous ses enfants les uns après les autres, dans l’espérance d’assouvir la faim de ces animaux féroces, et de sauver son ignoble vie, au prix de tout sentiment de devoir et d’humanité, au prix de l’honneur et des droits que la nature elle-même avait à ce qu’il se sacrifiât pour le salut de ses enfants.

Voltaire et les philosophes se firent de la liberté une image fantaisiste qu’ils appelaient l’Angleterre, image qui, vraie en elle-même, était fausse dans la