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le chien d’or

C’est lui qui nous accorde la grâce du salut, et les humbles seuls sont dignes de la recevoir.

— Puissions-nous la recevoir, ajouta l’évêque, et il récita l’Angelus à haute voix.

Il se fit un silence de quelques instants ; tous s’étaient levés et chacun récitait pieusement à voix basse, la salutation de l’ange et les invocations dont ils l’accompagnaient d’habitude tandis que sonnait l’Angelus. Quand on eut fini, la compagnie se remit à table et l’on remplit de nouveau les verres.

XVIII.

La conversation n’avait guère intéressé Rigaud de Vaudreuil qui baillait en se cachant le mieux possible. Il détestait les philosophes et les appelait une bande de sceptiques et de railleurs qui travaillaient à détruire la religion et finiraient par s’attaquer au roi et à la France.

Chacun de nous a son sujet favori de discussion, un sujet où il se sent à l’aise et fort. Il est plaisant de voir un homme silencieux, s’élancer tout à coup, et comme emporté par un coursier vigoureux, sur le terrain qu’il connaît et qu’il aime.

Rigaud de Vaudreuil était taciturne comme un Indien, mais si vous lui parliez de guerre, il devenait tout feu, et c’était plaisir de l’entendre. Il partait au galop comme le cheval de bataille à l’appel du clairon.

Le gouverneur s’aperçut de l’ennui qui se peignait sur sa figure, et amena fort adroitement la conversation sur un sujet auquel ce vaillant soldat pourrait prendre part. Rigaud de Vaudreuil raconta alors ce qu’avaient fait, pour la défense de la colonie, les troupes du roi et les loyaux Indiens. Il dit aussi les travaux qui restaient inachevés à cause de la négligence de la cour, et de la division de l’autorité dans la Nouvelle-France. Le gouverneur contrôle la campagne, le général en chef commande l’armée et l’Intendant tient l’argent — le nerf de la guerre ! Le