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le chien d’or

plus, ni moins. Les colonies anglaises la pressent de le faire — elles ont peur de vous — et la mère patrie est trop désireuse d’humilier la France, sa rivale, pour reculer devant les conséquences, quelles qu’elles puissent être. Votre conquête, c’est la base de leur politique.

— C’est ce que nous pensions tous, répliqua Rigaud de Vaudreuil. C’est aussi ce qu’ils essaient de faire depuis un siècle. Ils réussiront quand le dernier Canadien digne de ce nom sera couché sur la frontière, pas avant ! Je vous remercie, Herr Kalm, d’avoir parlé si franchement, bien que vos paroles ne soient pas très encourageantes.

Il lui serra la main.

— Vous avez parlé des conséquences, fit-il, un instant après. Quelles seraient-elles donc, dans votre opinion ?

— La France aura sa revanche, monsieur de Vaudreuil. J’ai assez vu, assez observé pour dire que c’est la peur de la France qui tient les colonies anglaises dans l’obéissance et la fidélité. Les hommes politiques de la Nouvelle Angleterre semblent embrasés de ce souffle de feu qui passa sur l’Angleterre, il y a un siècle. Ils pourraient acclamer un Cromwell ; un roi, jamais ! Si ces colonies vous conquièrent, elles se lèveront dans leur orgueil pour secouer le joug de la mère-patrie. Ce sera une nouvelle lutte entre le peuple et le roi. La guerre éclatera, et alors la France pourra se venger. L’Angleterre verra tous ses ennemis se joindre aux rebelles pour la frapper au cœur et lui arracher ces belles colonies qui font sa grandeur et sa force !

XII.

— Pardieu ! Herr Kalm, vous parlez comme un prophète ! s’écria de Vaudreuil. Oui, ce serait une belle vengeance, une vengeance aussi douce que la conquête aurait été amère !

Nous sommes au courant, ici, des secrètes manœuvres des partisans de l’idée républicaine, dans