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le chien d’or

comte. Une ère de découvertes est toujours suivie d’une époque de scepticisme. Et cette dernière époque dure jusqu’à ce que les savants apprennent à soumettre leurs nouvelles théories aux vieilles et éternelles vérités. Notre âge devient chaque jour de moins en moins croyant. Nous cherchons, pour éclairer nos temples, des lumières nouvelles, pendant que le soleil, au-dessus de nos têtes, verse toujours comme auparavant des flots de clartés !

— Je pense que vous avez raison, Kalm. Les écrits de Voltaire et de Rousseau porteront de mauvais fruits, des fruits qui pourraient bien tuer la France.

— Ils la tueront ! Elle ne croit déjà plus, et elle livre son cœur aux passions infâmes. Absit omen ! Mais je redoute pour votre beau pays une heure d’horribles calamités. L’indifférence qu’il manifeste à l’égard de ses colonies, est, à mon avis, un symptôme de sa décadence. Il ne regarde que ses intérêts du moment et s’abandonne à un lâche égoïsme.

IV.

Le gouverneur ne put s’empêcher de penser sérieusement aux lamentables dépêches qu’il venait de recevoir. Il savait que la France était entre les mains des extorqueurs et des pillards. L’argent était l’unique mobile. Tout pour l’argent, rien sans l’argent ! Un petit nombre s’enrichissait scandaleusement ; presque tous tombaient dans une misère affreuse. Entre les deux classes de la société, les riches et les pauvres, le roi et les sujets, s’ouvrait un abîme où tout allait s’engloutir. Les colonies d’abord devaient disparaître.

Il n’osa pas exprimer les craintes qu’il ressentait ; il ne voulut pas le faire ; ce n’était pas le moment. Il fit tomber la conversation sur un autre sujet :

— Kalm, dit-il, souvent, quand nous étions à Upsal, nous avons discuté la question de l’ancienneté de la terre, et spécialement de ce nouveau continent qui est devenu le nôtre, et que ni l’un ni l’autre, nous n’avions jamais vu. Que pense Upsal