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le chien d’or

Il était fatigué et voulait sortir. Puis, au palais, le dîner attendait. Un superbe dîner, arrosé d’un vin d’or, qui pouvait soutenir la comparaison avec le meilleur vin des caves du château St. Louis. Il pria le gouverneur et les autres gentilshommes de lui faire l’honneur de le suivre.

La séance fut aussitôt levée ; les papiers disparurent dans les tiroirs, et une conversation vive et gaie fit un instant oublier les soucis.

Bigot accosta l’abbé Piquet.

— C’est jeûne, monsieur l’abbé, fit-il ; mais tout de même s’il vous plaisait de venir bénir ma table profane, j’en serais enchanté ! Vous me devez une visite, vous savez, et moi, je vous dois des remerciements pour la manière dont vous avez supporté ma querelle avec le chevalier de la Corne, tout à l’heure. J’ai compris vos reproches et vous n’avez pas parlé. C’était mieux. Je vois que vous comprenez le monde où vous vivez, comme vous comprenez cet autre monde où vous désirez que nous allions tous vivre ensuite.

XIII.

L’abbé salua respectueusement. Le dîner ne le tentait guère, car il avait souvent entendu parler de la licence qui régnait à la table de l’Intendant. Mais il était prêtre et homme politique, et cette double qualité lui permettait de poursuivre certains projets qu’il ne perdait pas de vue. Il était de ceux qui auraient dîné avec Satan pour l’amour de Dieu et des pécheurs.

— Merci, Excellence, répondit-il en riant, j’ai fait des centaines de lieues, en raquettes, à travers des régions désertes, pour aller baptiser ou confesser un pauvre sauvage, et cela sans invitation ! je ne refuserai donc pas de marcher un mille pour bénir votre table profane, comme vous l’appelez, lorsque vous m’invitez si cordialement. Je m’efforce comme Saint Paul, mon maître, de me faire tout à tous ; et je me trouve également chez moi dans le palais et dans le wigwam.