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le chien d’or

lui dans cette circonstance, parce qu’elle le savait aimé de mademoiselle de St. Castin. C’était bien elle, en effet, cette royale maîtresse, qui l’avait empêché d’épouser la belle Acadienne… Il aurait pu aisément, jusqu’à cette dernière minute, renvoyer chez elle la jeune captive ; mais il ne le pouvait plus maintenant qu’il avait menti au gouverneur et au conseil.

Une chose cependant lui parut absolument nécessaire : tenir secrète, à tout prix, la présence de Caroline au château de Beaumanoir ; c’est-à-dire la tenir secrète jusqu’à ce qu’il pût envoyer la malheureuse jeune fille loin, dans les bois avec les tribus sauvages. Elle attendrait là, dans la solitude, la fin des recherches et l’oubli de l’affaire.

Bigot éprouva de la honte à cette pensée lâche. Ce n’était que la première pourtant. Il n’était pas facile, il n’était pas sûr, non plus, de confier la captive à ces tribus nomades. Un bruit, une rumeur, qui se répandrait à peine dans un rayon de deux lieues, en France, pouvait aisément, dans les plaines de l’Amérique, voler à des centaines de milles. Les voyageurs et les indiens marchaient vite et loin. Ce premier moyen ne valait pas autant qu’il semblait de prime abord. La garder à Beaumanoir, c’était impossible. Le gouverneur et l’indomptable de la Corne St. Luc sauraient bien l’y découvrir. L’embarras était grand, le dilemme difficile à résoudre. Il ne voulait pas, pour se sauver lui-même, faire le moindre mal à sa victime, ni profiter du délaissement où elle se trouvait pour ajouter encore à son malheur.

XII.

Pendant qu’il se plongeait dans ces réflexions pénibles, le conseil continuait à dépêcher les affaires. À la fin, las de chercher une solution qui n’arrivait pas, il se leva.

— Avec le consentement de son Excellence, dit-il, je proposerai l’ajournement.