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le chien d’or

également, car c’est à cause de leurs sentiments généreux, souvent, que ces infortunées se perdent, répliqua le gouverneur. C’est bien, continua-t-il, la plus étrange histoire que j’aie entendue.

Les gentilshommes assis autour de la table fixèrent sur le comte des regards avides et surpris, et de La Corne St. Luc, en entendant prononcer le nom du Baron de St. Castin, s’écria :

— Au nom du ciel, comte ! qu’y a-t-il donc dans ces dépêches ? Le baron de St. Castin est mon ami et mon compagnon d’armes.

— Je vais vous le dire, messieurs, répondit le comte ; ce n’est pas un secret en France, ce n’en sera plus un ici, cette lettre…

Il tenait dans sa main le papier déplié.

— Cette lettre est du baron de St. Castin que vous connaissez tous. C’est un pathétique appel à mon amitié, à mon honneur, à mon devoir, pour que je l’aide à retrouver sa fille, qu’un lâche ravisseur sans doute a emmenée loin du toit paternel. Il la croyait passée en France, mais il l’y a vainement cherchée. Il paraît maintenant qu’elle est restée dans la colonie, cachée sous un faux nom ou un déguisement honteux.

Cette autre dépêche, continua le gouverneur, vient de la marquise de Pompadour. La marquise m’ordonne de faire l’impossible pour retrouver mademoiselle de Saint Castin. Elle menace de faire entasser à la bastille comme du poisson sec — c’est son expression — tous ceux qui de près ou de loin ont aidé à enlever ou à cacher cette jeune fille.

VIII.

Certes ! tous les gentilshommes du conseil étaient émus, désolés, De la Corne St. Luc, plus que les autres. Il se leva et frappant la table de sa main ouverte :

— Par St. Christophe ! s’écria-t-il, j’aurais mieux aimé perdre un membre à la bataille, que de voir mon vieux compagnon ainsi affligé dans son enfant !