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le chien d’or

IV.

Sans cesse entravé par les pouvoirs de toutes sortes conférés à l’Intendant, le gouverneur se sentait incapable de faire triompher la justice et le droit. Dans les instructions particulières qu’ils lui adressaient, les ministres lui recommandaient de reconnaître les prétentions de l’Intendant et de la grande compagnie. Tout ce qu’il pouvait faire dans les intérêts du peuple et du roi, — intérêts en opposition avec ceux des courtisans avides et des orgueilleuses beautés de la Cour, — c’était d’adoucir un peu les coups mortels portés au commerce et aux ressources de la Colonie.

Bigot défendit de toutes ses forces un décret qui autorisait l’émission d’une quantité illimitée de papier monnaie. Il déploya une grande finesse et invoqua tous les sophismes. Il se montra savant dans cet art d’éblouir et de tromper avec des chiffres, dont Law fut le maître en France, et la compagnie du Mississipi, l’exemple frappant.

De La Corne St. Luc fit au projet une opposition sérieuse. — Nous n’avons que faire, s’écria-t-il, de ce papier menteur, qui servira à dépouiller le fermier de son grain et l’ouvrier de son salaire ! S’il faut, pour payer le luxe des paresseux de la Cour, tout l’or et tout l’argent de la Colonie, les habitants pourront encore, comme dans les premiers jours, se servir, pour acheter et vendre, de peaux de castors et de peaux de rats musqués. Les unes représenteront les livres, et les autres, les sous. Ce système des assignats, continua-t-il, a été essayé sur une petite échelle par l’Intendant Hocquart, et cependant, il a appauvri et volé la Colonie. Si ce nouveau projet proposé par de nouveaux Laws, — et il regarda l’Intendant dans les yeux, — doit être mis en vigueur dans toute son étendue, vous n’entendrez bientôt plus ici le son de deux pièces de monnaie qui se touchent, la Colonie tombera dans l’indigence et s’il faut la racheter de sa misère, le trésor royal même