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LE CHIEN D’OR

Amélie, fatiguée de la terre, soupirait après cette autre vie où le temps n’existe plus, mais où les pensées et l’amour mesurent seuls l’éternité !

Héloïse et elle se soumettaient humblement au joug de l’obéissance. Toutes deux rivalisaient d’ardeur pour la pénitence et la prière.

L’esprit de leur pieuse tante Madeleine semblait remplir encore la petite cellule ; elles se sentaient dans une atmosphère deux fois sanctifiée, et l’air qu’elles respiraient semblait saturé des arômes du ciel.

Amélie n’oubliait point Philibert cependant, et quand, par hasard, elle entendait son nom, elle levait vers Dieu ses yeux pleins d’eau et murmurait une prière.

VII.

Cependant le crime de son frère, l’anéantissement de ses plus chères espérances, la perte irréparable de son fiancé, la complète destruction de sa félicité ici-bas : c’en était plus qu’il ne fallait pour la briser et la pousser au tombeau. Elle maigrit, ses joues se creusèrent. Elle demeura belle pourtant, et son âme ardente parut se refléter davantage dans sa figure émaciée. Elle semblait s’immatérialiser. Une tache rose comme le reflet d’un feu intérieur parut sur sa joue, s’effaça, puis revint encore pour ne plus disparaître ; ses yeux pleins d’amour s’agrandirent et brillèrent d’un éclat inouï. Elle se prit à tousser, à tousser, et bientôt, ses forces l’abandonnant, elle se traîna comme un fantôme dans les corridors solitaires.

Mère Migeon secoua la tête d’un air désespéré. Des prières et des messes furent offertes à Dieu pour elle, mais en vain. Dieu l’appelait à lui. Et puis, elle était heureuse de mourir.

VIII.

Pierre n’avait pu la voir qu’une fois depuis qu’elle était entrée au couvent. Quand il apprit qu’elle se